Barbed Wire

Bill C-331
The Ukrainian Canadian Restitution Act
Projet de loi C-331
Loi sur l'indemnisation des Canadiens d'origine ukrainienne
Inky Mark, MP

Barbed Wire

38e Législature, 1re Session
(4 octobre 2004 - )
Hansard révisé · Numéro 074
Jeudi 24 mars 2005
16:30 - 17:30

(1630)

[Traduction]

Le vice-président (M. Chuck Strahl): Comme il est 16 h 30, conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

Initiatives parlementaires

Loi sur l'indemnisation des Canadiens d'origine ukrainienne

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 7 décembre 2004, de la motion: Que le projet de loi C-331, Loi visant à reconnaître l'injustice commise à l'égard des personnes d'origine ukrainienne et autres Européens par suite de leur internement pendant la Première Guerre mondiale, à marquer publiquement le souvenir de cet événement et à prévoir une indemnisation devant servir à l'éducation du public et à la promotion de la tolérance, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

L'hon. Stephen Harper (chef de l'opposition, PCC): Monsieur le Président, je tiens à remercier la Chambre de me donner l'occasion de prendre le premier la parole au cours du débat de cet après-midi, en raison de mon emploi serré du temps. Également, je remercie tout particulièrement la députée de Kildonan—St. Paul qui m'a cédé sa place. Je sais qu'elle a beaucoup travaillé à ce projet de loi et aussi auprès de la collectivité ukrainienne et nous lui sommes tous très reconnaissants de ses efforts.

Je prends la parole aujourd'hui au sujet d'un chapitre important, quoique malheureux, de l'histoire du Canada. Par conséquent, je suis fier d'appuyer le projet de loi C-331.

Le projet de loi C-331 vise à reconnaître l'injustice commise à l'égard des personnes d'origine ukrainienne et autres Européens par suite de leur internement pendant la Première Guerre mondiale. On y propose de marquer publiquement le souvenir de cet événement et de prévoir une indemnisation devant servir à l'éducation du public et à la promotion de la tolérance.

Permettez-moi tout d'abord de souligner les efforts du Congrès ukrainien canadien, de l'Association ukrainienne-canadienne des droits civils, et en particulier du professeur Lubomyr Luciuk, en vue de sensibiliser la population à l'internement des Canadiens d'origine ukrainienne durant la Première Guerre mondiale. Sans leurs efforts, nous ne serions vraisemblablement pas en train de tenir un tel débat à la Chambre aujourd'hui. Il est malheureux de dire que, sans leurs démarches inlassables, ce chapitre de l'histoire du Canada aurait déjà été largement oublié.

Je remercie mon collègue, le député conservateur de Dauphin—Swan River—Marquette, d'avoir présenté ce projet de loi et d'avoir porté le flambeau pendant longtemps pour réparer ce tort du passé. Son leadership s'est révélé d'une importance cruciale dans les efforts pour enfin clore ce douloureux chapitre de l'histoire du Canada pour les descendants des Canadiens qui ont été internés injustement il y a plusieurs décennies.

Entre 1914 et 1920, le Canada a connu ses premiers camps d'internement en vertu de la Loi sur les mesures de guerre. Des milliers de loyaux Canadiens ont été systématiquement arrêtés et internés dans 24 camps, un peu partout dans le pays, simplement en raison de leur pays d'origine. Près de 9 000 Canadiens ont été internés et la vaste majorité étaient d'origine ukrainienne.

Au début de la Première Guerre mondiale, l'Ukraine de l'Ouest était occupée par l'empire austro-hongrois et, bien sûr, le Canada était en guerre contre l'Autriche-Hongrie. Au milieu de l'hystérie qui régnait pendant la guerre, tous ceux qui étaient associés à l'Autriche-Hongrie étaient considérés comme une menace pour notre pays. Souvent, bien sûr, c'était tout simplement inexact. Paradoxalement, dans le cas qui nous occupe, plusieurs milliers de Canadiens d'origine ukrainienne avaient fui l'occupant. Une sérieuse évaluation de la situation aurait pu mener à une seule conclusion: ces réfugiés de l'ennemi du Canada en temps de guerre n'étaient pas les ennemis du Canada. Ils étaient de nouveaux et loyaux sujets britanniques et des alliés dans notre cause.

Je dois mentionner que, en fait, en 1915, le British Foreign Office avait ordonné deux fois à Ottawa d'accorder aux Ukrainiens un « traitement préférentiel », soutenant qu'ils devaient être considérés comme des « étrangers amis » et non comme des « étrangers ennemis ». Pourtant, le gouvernement fédéral de l'époque a simplement refusé d'écouter et de changer de cap.

En outre, bon nombre de ces gens internés n'étaient pas que des sujets britanniques naturalisés. Ils étaient vraiment des Canadiens. Ils étaient nés au Canada, mais portaient le mauvais nom de famille ou possédaient la mauvaise filiation, car, dans ce cas-ci, même les enfants étaient internés.

Tout au long de l'opération d'internement, les civils étaient transportés jusque dans les régions reculées du Canada, où ils étaient condamnés à effectuer des travaux forcés dans des conditions pénibles. Certains lieux que nous connaissons tous bien aujourd'hui, dont les parcs nationaux Banff et Jasper et les fermes expérimentales de Kapuskasing, ont été mis en valeur pour la première fois par ce groupe de condamnés aux travaux forcés. Là encore, paradoxalement, au moment où des Canadiens d'origine ukrainienne étaient internés pour avoir eu le malheur d'entrer dans notre pays avec des passeports austro-hongrois, d'autres Canadiens d'origine ukrainienne qui étaient entrés au Canada avec différents documents étrangers servaient loyalement le Canada dans des batailles à l'étranger.

N'oublions pas l'ancien combattant canadien d'origine ukrainienne, Philip Konowal, à qui le roi George V a remis la Croix de Victoria pour acte de bravoure en temps de guerre. Il était un Canadien d'origine ukrainienne à qui on avait rendu hommage, alors qu'en même temps, et pendant qu'ils étaient internés, ses voisins originaires de l'Ukraine se demandaient pourquoi ils avaient choisi le Canada comme terre d'accueil.

(1635)

Nous ne pouvons récrire l'histoire. Ce n'est pas le but de l'exercice aujourd'hui. Nous ne pouvons changer le fait qu'une injustice a été commise. Seuls ceux qui ont commis cette injustice peuvent finalement en être tenus responsables. Seuls ceux qui ont souffert de cette injustice peuvent adéquatement être indemnisés.

À titre d'héritiers de cette société et de ses institutions, nous pouvons toutefois reconnaître qu'une injustice a été commise. Nous pouvons maintenant tirer des leçons de l'histoire et nous amender, lorsque c'est opportun. À mon avis, le moment est venu de le faire.

Si le projet de loi C-331 est adopté, ce sera la première fois qu'on reconnaîtra le traitement inacceptable que le Canada a fait subir aux Canadiens d'origine ukrainienne pendant la Première Guerre mondiale. Ce sera la première fois qu'on tiendra une promesse faite à maintes occasions par de nombreux dirigeants politiques canadiens.

L'ex-premier ministre Jean Chrétien avait promis à maintes occasions de reconnaître officiellement les activités d'internement, mais il n'a pas tenu parole dans l'exercice de ses fonctions.

L'ex-ministre du Patrimoine, Sheila Copps, a elle aussi promis de reconnaître officiellement cette injustice historique, mais elle n'a pas tenu parole elle non plus une fois qu'elle a occupé les banquettes du parti ministériel. Le moment est venu de clore ce dossier.

En adoptant le projet de loi C-331, nous agirons enfin pour reconnaître une injustice du passé, une injustice qui ne pourrait jamais se produire de nos jours dans notre merveilleux pays qui respecte au plus haut point nos libertés et la primauté du droit.

Jusqu'à maintenant, la communauté ukrainienne du Canada a installé des plaques commémoratives à presque tous les sites d'internement, exception faite de cinq d'entre eux, pour rappeler aux Canadiens ce qui s'est produit à ces endroits et faire en sorte que ce triste épisode de notre histoire ne se reproduise plus jamais.

De nombreux documents officiels et dossiers d'archive ont été détruits au début des années 50, mais les recherches documentaires ont progressé lentement et refont de nouveau surface. Nous remercions les nombreux universitaires canadiens d'origine ukrainienne déterminés à garder vivant le souvenir collectif de ces événements historiques.

Nous devrions toutefois aller plus loin. Nous devrions reconnaître officiellement les torts historiques qui ont résulté de ces événements.

Mary Haskett est la dernière survivante de ces camps d'internement. Elle aura 97 ans cet été. J'espère sincèrement qu'elle sera témoin d'une réparation officielle de cette injustice du passé.

Au nom du député de Dauphin—Swan River—Marquette et de tous mes collègues du Parti conservateur, j'exhorte tous les députés à appuyer comme moi le projet de loi C-331.

[Français]

M. Bernard Bigras (Rosemont—La Petite-Patrie, BQ): Monsieur le Président, c'est avec une grande joie que je prends la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-331, qui vise à faire en sorte de réparer une injustice intolérable pour une communauté qui, au cours de son histoire, a contribué au développement culturel, social et économique du Canada.

Le projet de loi vise à reconnaître cette injustice commise à l'égard des personnes d'origine ukrainienne et d'autres Européens, par suite de leur internement pendant la Première Guerre mondiale, et à marquer aussi publiquement le souvenir de cet événement et à prévoir une indemnisation devant servir à l'éducation du public et à la promotion de la tolérance.

Il est important, aujourd'hui, de se rappeler que ce n'est pas la première fois en cette Chambre que nous avons à discuter de l'importance de reconnaître et de mettre en place des mesures de réparation envers la communauté ukrainienne. Je vous rappellerai qu'en septembre 1991, ce Parlement avait débattu d'une motion du député de Kingston et les Îles, qui visait justement à reconnaître que l'internement, la privation du droit de vote et d'autres mesures répressives prises contre les Canadiens d'origine ukrainienne entre 1914 et 1920 étaient injustifiés et contraires aux principes de la Charte des droits et libertés. De plus, cette motion proposait d'ordonner à Parcs Canada d'ériger des plaques commémoratives dans chacun des 26 camps de concentration où des Ukrainiens avait été internés.

Par conséquent, le but de ce projet de loi, c'est d'aller plus loin. Le Canada doit reconnaître cette erreur historique importante, mais il doit le reconnaître en faisant plus que d'ériger de simples plaques commémoratives dans des lieux publics. Il faut que nous marquions ces événements qui sont intolérables et inacceptables pour nous. Il faut aussi oser aller plus loin en prévoyant un régime d'indemnisations pour que le public puisse connaître ces événements qui ont eu des conséquences et qui, dans un contexte moderne, auraient contrevenu à la Charte des droits et libertés.

Il faut comprendre, sentir et considérer que ce peuple, qui est venu ici et que nous avons accueilli à bras ouverts 10 à 20 ans avant la Première Guerre mondiale, a été traité de façon injuste et inhumaine non seulement pendant ces années de guerre, mais jusqu'en 1920. Comment avons-nous pu accepter cela? Ces citoyens avaient émigré ici au Canada — il s'agit de plus de 5 000 personnes — , fuyant une situation qui était inhumaine dans les territoires où ils vivaient à l'époque. Ils venaient chercher ici une bouffée d'oxygène et le respect de leurs droits. On les a internés dans plus de 26 camps de travail où ils ont été traités ni plus ni moins comme des bêtes. On les a considérés comme des ennemis, des étrangers, parce que deux territoires ukrainiens étaient sous l'Empire austro-hongrois. Est-ce une façon de traiter un peuple? À l'époque, parce que le Canada considérait l'Autriche comme un pays ennemi, on a pénalisé des individus en ne respectant pas leurs libertés.

(1640)

Nous étudions aujourd'hui un projet de loi qui vise à marquer des événements qui ont été vécus par cette communauté et à prévoir — on le souhaite — un régime d'indemnisation qui permettrait de mieux informer la population.

En plus d'emprisonner ces personnes dans des conditions inhumaines où les travaux forcés, les couvre-feux, l'enfermement et l'internement étaient la norme, et plutôt que de leur donner cette liberté à laquelle ils avaient droit et qu'ils étaient venus chercher, ici, au Canada, nous les avons forcés à vivre dans des conditions de vie inacceptables.

Cela ne s'est pas limité à ces citoyens qui étaient prisonniers. En effet, plus de 88 000 Ukrainiens qui n'étaient pas emprisonnés, devaient se présenter à des postes de police. Ils devaient suivre un certain nombre de directives comme se rapporter et se présenter régulièrement, comme dans un véritable État policier.

Dans une démocratie, ce type d'approche est totalement inacceptable. C'est le droit du citoyen à la liberté qui, à l'époque, a été bafoué. Ce Parlement, aujourd'hui, en allant plus loin que la motion déposée en 1991, offre réparation par une mesure législative et par un projet de loi qu'aujourd'hui, nous sommes fiers d'appuyer.

Pourquoi avoir emprisonné ces citoyens? Constituaient-ils une menace pour la sécurité nationale? Mais non. Parce que le territoire de ce peuple a eu le malheur de se retrouver sur l'empire austro-hongrois, on a ni plus ni moins violé la liberté de ces personnes.

Aujourd'hui, il nous faut appuyer sans réserve ce projet de loi qui vise à réparer une erreur du passé.

Je terminerai en disant que le Canada, aujourd'hui, doit être à la hauteur des idéaux qu'il défend. Il doit être capable de le reconnaître lorsqu'il a fait des erreurs qui vont à l'encontre de ses idéaux. Pour que l'histoire ne se répète pas, il faut lui donner toutes les chances. En voici une belle aujourd'hui. C'est un début. Reconnaître les torts du passé, c'est aussi, et surtout, permettre de se tourner, en toute justice et en toute sérénité vers l'avenir.

(1645)

[Traduction]

M. Borys Wrzesnewskyj (Etobicoke-Centre, Lib.): Monsieur le Président, c'est le coeur bien lourd que je prends la parole aujourd'hui dans ce débat sur le projet de loi C-331, un projet de loi d'initiative parlementaire visant à reconnaître l’injustice commise à l’égard des personnes d’origine ukrainienne au cours de la Première Guerre mondiale.

Permettez-moi de féliciter tout d'abord le député de Dauphin—Swan River—Marquette du travail qu'il a fait pour soumettre la question de l'internement des Canadiens d'origine ukrainienne à la Chambre. Le projet de loi fait ressortir la nécessité de commémorer ce tragique événement grâce à la mise sur pied de projets de sensibilisation du public pour pouvoir réparer les torts subis.

J'aime le Canada et je considère qu'il est unique au monde. Le Canada que j'ai connu au cours des quelques dernières décennies était pour moi un modèle de multiculturalisme. Nous ne faisons pas que tolérer nos différences. Nous rendons hommage aux peuples et aux cultures qui constituent notre mosaïque nationale.

J'ai souligné que j'avais le coeur gros. C'est le cas parce que je sais aussi que pour améliorer encore notre magnifique pays, nous devons avoir le courage de reconnaître les épisodes plus sombres de son passé.

Bien que certains eussent préféré reléguer aux oubliettes le tragique épisode des camps d'internement, entre 1914 et 1920, les membres de la communauté ukrainienne du Canada eux se souviennent. Ils veulent pouvoir tourner la page sur un épisode difficile de leur passé et demandent au gouvernement de reconnaître publiquement les torts qu'ils ont subis.

Nous devrions féliciter le Congrès ukrainien canadien et l'Association ukrainienne-canadienne des droits civils de leur engagement à obtenir une telle reconnaissance.

Au cours des années qui ont suivi l'avènement de la Confédération canadienne, des milliers d'Ukrainiens ont été encouragés à quitter leur pays natal pour se lancer dans un long périple qui les a menés dans certains des coins les plus reculés de l'Ouest du Canada. Ces colons ont été soumis à des conditions de vie très difficiles dans un grand isolement et avec très peu d'appui. Toutefois, l'attrait de la liberté et la volonté d'assurer un avenir meilleur à leurs enfants et petits-enfants leur ont permis de survivre pendant toutes ces difficiles années.

Ils ont transformé les régions sauvages de l'Ouest du Canada et y ont sculpté des champs de blé doré à perte de vue. Toutefois, même s'ils avaient construit l'Ouest du Canada et gêné les poussées expansionnistes des colons américains, les Canadiens d'origine ukrainienne ont été la cible de préjugés et de racisme dans leur nouveau pays.

Avec le début de la Première Guerre mondiale, les préjugés et le racisme se sont transformés en xénophobie, ce qui a finalement donné lieu à l'application de la Loi sur les mesures de guerre par suite d'un décret en conseil pris par le gouvernement du Canada. Quelque 8 579 « étrangers ennemis », comme on les appelait, dont plus de 5 000 étaient des Ukrainiens qui avaient quitté l'Empire austro-hongrois pour émigrer au Canada, ont été internés.

Ces personnes, souvent des femmes et des enfants, ont été non seulement privées de leurs droits, mais aussi dépossédées de leurs maisons et propriétés. On les a envoyées dans des centres de traitement préalable à l'internement, puis dirigées vers des camps de travail où elles ont vécu derrière des fils barbelés.

Outre cette mesure d'internement, quelque 80 000 citoyens canadiens qui étaient pour la plupart d'origine ukrainienne ont été obligés de s'inscrire comme sujets d'un pays ennemi et de se présenter ensuite régulièrement aux autorités locales.

Pendant ce temps, par leur travail forcé, les personnes internées contribuaient au développement des infrastructures de notre pays. On s'est servi d'elles pour aménager le Parc national de Banff, développer l'industrie forestière dans le nord de l'Ontario et du Québec et exploiter les aciéries en Ontario et en Nouvelle-Écosse ainsi que les mines en Colombie-Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse. Ce programme de développement des infrastructures a si bien profité aux entreprises canadiennes que, une fois la Première Guerre mondiale terminée, le gouvernement du Canada a poursuivi durant deux années encore ses activités d'internement et de travail forcé.

Entre 1914 et 1920, le lien de confiance entre le gouvernement canadien et les citoyens du pays s'est rompu. La cause de cette rupture avait pour nom internement. Politiciens et Canadiens influents se sont fait fort de justifier cette mesure en alimentant des aspects peu reluisants de la nature humaine, tels que la peur des cultures différentes de la nôtre, les préjugés et la xénophobie.

Dans le cas tragique qui nous occupe, les victimes étaient des pionniers que l'on avait encouragés à quitter leur terre d'origine pour venir aider à bâtir le Canada. C'est un exemple du terrible coût humain de la xénophobie et du racisme lorsqu'ils alimentés par des menaces internationales et ne font l'objet d'aucune mesure législative.

De nos jours, malgré l'existence de la Charte des droits et libertés, des processus comme la dénaturalisation et l'expulsion font ressortir combien vulnérables sont les droits individuels lorsque le gouvernement succombe à l'ignorance et à la peur.

(1650)

Comme je suis petit-fils et fils d'immigrants ukrainiens, le projet de loi du député revêt pour moi une signification particulière. Il fait partie du processus visant à redresser ce tort historique au moyen d'une reconnaissance honorable.

Après 85 ans, il est grand temps que l'internement des Canadiens d'origine ukrainienne fasse l'objet de mesures de redressement adéquates, comme l'installation et l'entretien de 24 plaques commémoratives dans 24 camps de concentration d'un bout à l'autre du Canada et la création d'un musée permanent dans les limites de l’ancien camp de concentration situé dans le parc national Banff. Ce musée donnerait de l'information sur le fonctionnement des camps de concentration au Canada et le rôle de peuple fondateur qu’ont joué les Canadiens d’origine ukrainienne dans le développement de l'ouest du Canada.

En outre, le ministre responsable de Postes Canada devrait inciter cette société à émettre une série de timbres pour commémorer la contribution des Canadiens d'origine ukrainienne à l'édification de notre grand pays.

Enfin, des ressources devraient être dégagées pour l'établissement de projets éducatifs. Pareils projets seraient agréés par le Congrès ukrainien canadien et le gouvernement du Canada.

J'estime que la volonté de réconciliation dont parle le projet de loi existe vraiment à la Chambre. Je suis optimiste et j'ai hâte au jour où le gouvernement du Canada et le Congrès ukrainien canadien amorceront le processus de négociation pour que les Canadiens aient l'occasion de se renseigner au sujet de ce tragique épisode de notre histoire.

Qu'une compréhension complète de notre passé puisse aider les Canadiens dans leur entreprise d'édification d'un Canada multiculturel encore plus fort, d'une grandiose mosaïque de peuples qui servira de modèle, dans le reste du monde, de ce qu'une société peut réaliser.

J'ai toujours cru fermement que quelques modifications mineures du libellé du projet de loi C-331 garantiraient que cette mesure qui se fait attendre depuis longtemps soit adoptée à l'unanimité à la Chambre. J'ai hâte de travailler fort pour réaliser cet objectif en compagnie de la communauté ukrainienne du Canada et l'auteur du projet de loi, que je tiens à féliciter encore une fois d'avoir présenté cette mesure avec autant de détermination.

Le temps de la réconciliation est arrivé.

Mme Joy Smith (Kildonan—St. Paul, PCC): Monsieur le Président, j'ai le grand honneur de prendre la parole devant la Chambre au sujet du projet de loi C-331, la Loi sur l’indemnisation des Canadiens d’origine ukrainienne. Ce projet de loi a été présenté grâce à la détermination et la persévérance du député de Dauphin--Swan River--Marquette.

Il arrive qu'au cours de l'histoire, des erreurs soient commises. Comme le chef de l'opposition officielle vient de le souligner, nous ne pouvons pas refaire l'histoire, mais nous pouvons tout de même reconnaître nos torts comme il se doit.

De 1997 à 2001, le député de Dauphin--Swan River--Marquette a fait des consultations au sujet de ce projet de loi. Comme les intervenants précédents l'ont dit, le but de ce projet de loi est de réparer les injustices subies par les personnes d'origine ukrainienne et par d'autres Européens pendant la Première Guerre mondiale ainsi que de commémorer ce triste épisode de l'histoire du Canada. Le projet de loi prévoit, à titre de réparation, la production de documents à caractère éducatif pour sensibiliser les gens aux politiques et aux activités d'internement du Canada dans le passé, pour promouvoir la tolérance et pour mettre en valeur le rôle de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le député de Dauphin--Swan River--Marquette a présenté ce projet de loi le 1er avril 2001. Par la suite, le projet de loi est mort au Feuilleton, mais le député était tellement convaincu de sa nécessité qu'il l'a présenté de nouveau le 18 novembre 2002, pour le voir de nouveau mourir au Feuilleton. Extrêmement ému par le sort réservé autrefois à des Canadiens d'origine ukrainienne , le député de Dauphin--Swan River--Marquette a présenté le projet de loi encore une fois le 12 octobre 2004.

Nous devons constater qu'il arrive rarement qu'un député persévère autant pour présenter un projet de loi et lui consacre autant d'efforts. Si le député a agi ainsi, c'est qu'il est absolument convaincu que les Canadiens d'origine ukrainienne ont besoin qu'on répare les torts qu'ils ont subis en raison des erreurs passées.

Comme des députés l'ont dit avant moi, dès que la Première Guerre mondiale a éclaté, en 1914, la Loi sur les mesures de guerre a été appliquée par le gouvernement du Canada au moyen d'un décret, ce qui a entraîné l'internement de 8 579 personnes. Elles étaient toutes considérées comme des étrangers ennemis. Parmi elles se trouvaient 5 000 Ukrainiens ayant immigré au Canada en provenance de territoires sous la domination de l'Empire austro-hongrois.

Les prisonniers ont été contraints de travailler sur des infrastructures canadiennes. Ils ont travaillé à l'aménagement du parc national de Banff, ils ont trimé dans l'industrie forestière du nord de l'Ontario et du Québec, dans les aciéries de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse, dans les mines de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse. Les sociétés commerciales canadiennes ont profité de cet aménagement des infrastructures. Aucun doute là-dessus. Ce qu'il y a de terrible, c'est que l'internement s'est prolongé deux ans après la fin de la Première Guerre mondiale. Voilà une triste page de notre histoire.

Le député de Dauphin—Swan River—Marquette tenait à ce qu'on reconnaisse la contribution des Ukrainiens qui ont immigré au Canada et à ce qu'on admette qu'ils n'auraient jamais dû être internés de la sorte.

(1655)

Ces Canadiens magnifiques, qui ont contribué à bâtir le Canada et ont tant fait pour l'aider, n'auraient pas dû subir un sort semblable. Comme d'autres députés l'ont dit, nous ne pouvons refaire l'histoire. C'est ainsi que les choses se sont passées. Il est temps d'y réfléchir et de reconnaître la valeur de ces Canadiens d'origine ukrainienne qui ont aidé à bâtir le Canada.

Le Congrès ukrainien canadien et l'Association canadienne des libertés civiles ont beaucoup fait pour alerter l'opinion. Jusqu'à un certain point, le gouvernement Mulroney a promis son appui. Dès 1993, le chef de l'opposition, Jean Chrétien, a dit qu'il ferait quelque chose. Cette promesse a été faite il y a 11 ans, et les Canadiens d'origine ukrainienne attendent toujours qu'on reconnaisse ces injustices.

Je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole aux Communes pour saluer et honorer le député de Dauphin—Swan River—Marquette. Voilà la raison d'être du Parlement canadien. Ce député s'est fait le défenseur des Canadiens d'origine ukrainienne. Il a vraiment touché le coeur de tous les Canadiens, car tous ont maintenant le sentiment, de longues années après les faits, que ce fut là une triste page de notre histoire.

À cette époque, le gouvernement du Canada a confisqué injustement de l'argent et des biens à des Ukrainiens et à d'autres Européens. Il n'a jamais rendu les sommes et les biens confisqués.

Au moyen du projet de loi C-331, le député de Dauphin—Swan River—Marquette demande que la valeur actuelle de ces biens servent au financement de projets éducatifs et commémoratifs destinés à tous les Canadiens. L'indemnisation n'ira pas aux victimes, mais elle servira plutôt à sensibiliser les gens à cette période regrettable de l'histoire et à garantir que la situation ne puisse plus se produire au Canada.

Des plaques commémoratives ont été et sont installés dans les 24 camps de concentration où ont été internées des personnes d'origine ukrainienne et d'autres Européens de l'Est pendant la Première Guerre mondiale. Ces plaques commémoratives, qui n'ont pas encore été installées dans tous les camps, présentent en ukrainien, en français et en anglais les événements de cette époque et les excuses de la population canadienne d’aujourd’hui. Tous les Canadiens peuvent lire ces plaques, se souvenir de cette triste période et tirer des leçons de ce malheureux chapitre de l'histoire.

Le député de Dauphin—Swan River—Marquette voulait aussi assurer que toutes les plaques commémoratives installées dans les camps de concentration seraient entretenues convenablement. Cet important projet de loi présenté à la Chambre des communes aujourd'hui est le fruit d'une mûre réflexion et d'une persévérance et d'un dévouement inébranlables.

Le projet de loi prévoit aussi, dans les limites de l’ancien camp de concentration situé dans le parc national Banff, la création d'un musée permanent comportant des informations en ukrainien, en français et en anglais sur le fonctionnement de tous les camps de concentration établis au Canada pendant la Première Guerre mondiale et le rôle qu’ont joué les Canadiens d’origine ukrainienne dans le développement du Canada depuis cette époque.

Les Ukrainiens sont devenu les héros du monde entier lors des élections du 26 décembre 2004. Ce fut une année mémorable. Le député d'Etobicoke-Centre a été un véritable champion lors de ces élections. Je propose que nous rendions hommage aux héros de notre pays. Je rends hommage au député de Dauphin—Swan River—Marquette et je le remercie de sa persévérance.

Je sais que les députés de tous les partis à la Chambre marqueront le souvenir de cet événement en appuyant le projet de loi C-331.

(1700)

L'hon. Paddy Torsney (secrétaire parlementaire de la ministre de la Coopération internationale, Lib.): Madame la Présidente, en tant que pays, le Canada est un rassemblement de nombreux peuples. De ce fait, nous avons appris avec le temps à nous respecter et à nous accepter les uns les autres. C'est ce qui nous distingue des autres pays et qui nous permet de jouer un rôle sur la scène mondiale.

Nous avons établi dans notre Constitution un fondement juridique qui vise à assurer que les Canadiens sont protégés du racisme et de la discrimination. Nous continuerons, en tant que gouvernement, à travailler en ce sens de manière à ce que tous les Canadiens aient l'occasion de participer pleinement. En fait, c'est ce dont la Chambre a débattu toute la semaine.

Parallèlement, nous nous employons à renforcer les liens qui caractérisent la citoyenneté commune de manière à ce que la société canadienne conserve sa vigueur et sa cohésion actuelles.

Le gouvernement du Canada reconnaît qu'il y a eu des jours noirs dans l'histoire du pays. Nous avons reconnu l'importance de brosser l'histoire complète du pays pour nous permettre de comprendre qui nous sommes en tant que Canadiens, même si cette histoire comporte des épisodes où nous nous sommes écartés de notre engagement en matière de justice humaine.

L'internement des Canadiens d'origine ukrainienne et d'autres Européens durant la Première Guerre mondiale est un des chapitres de l'histoire canadienne dont les Canadiens, en tant que peuple, ne sont pas fiers, même si les actions du gouvernement de l'époque étaient alors légales.

Notre engagement en tant que gouvernement est de renforcer le tissu de la société multiculturelle canadienne. Nous sommes déterminés à tirer des leçons du passé. Nous sommes déterminés à reconnaître et à commémorer les contributions importantes de nos groupes ethnoraciaux et ethnoculturels, y compris les Ukrainiens, au Canada.

Le ministère du Patrimoine canadien et les agences culturelles du portefeuille du Patrimoine ont déployé des efforts considérables pour faire en sorte que tous les Canadiens connaissent l'histoire des Ukrainiens au Canada.

Par exemple, Parcs Canada, comme un député d'en face le mentionnait, tout en travaillant dans le cadre du portefeuille du Patrimoine, collaborait étroitement avec les groupes nationaux et locaux de Canadiens d'origine ukrainienne pour mettre sur pied des expositions d'interprétation au parc national de Banff, une exposition que j'ai vue, au parc national Yoho et au parc national de Revelstoke. Ces expositions aident les visiteurs et tous les Canadiens à comprendre les expériences, les difficultés et les contributions des Ukrainiens internés.

Le ministère du Patrimoine canadien finance des organisations de Canadiens d'origine ukrainienne pour qu'elles aident à documenter l'expérience des internés ukrainiens et pour mettre en valeur la contribution de la communauté ukrainienne à notre pays.

Depuis les années 1890, lorsque des vagues d'Ukrainiens ont aidé à coloniser notre vaste pays, les Ukrainiens jouent un rôle important. Un nombre incroyable de Canadiens d'origine ukrainienne ont fait des contributions extraordinaires au Canada, des contributions dont tous les Canadiens sont très fiers.

Wayne Gretzky, bien entendu, est une étoile et un héros du sport international. Ed Werenich est un champion mondial de curling.

Dans le domaine culturel, nous avons tous adoré les tableaux de William Kurelek et l'oeuvre du violoniste Steven Staryk.

Dans la vie publique, Ramon Hnatyshyn et Roy Romanow nous ont tous rendus fiers.

La première Canadienne dans l'espace est Roberta Bondar. Je disais à l'un de mes collègues que j'ignorais qu'elle était d'origine ukrainienne.

Lorsqu'on pense aux Canadiens d'origine ukrainienne, on se rappelle également notre héros de guerre du Canada, Peter Dmytruk, qui est mort pour nous tous sur les champs de bataille de France durant la Seconde Guerre mondiale.

En tant que Canadiens, nous sommes tous fiers de vivre dans un pays qui reconnaît l'importance de la diversité.

Dans le discours du Trône d'octobre 2004, le gouvernement s'est engagé à poursuivre ses objectifs « de telle manière que soit respectée la diversité du Canada, ce creuset où se fondent le talent et l'innovation ». Nous nous sommes engagés à « défendre l'inclusion avec vigueur » et à « exiger l'égalité des chances pour que tous les Canadiens profitent de la prospérité ».

À la suite de ces engagements, le gouvernement lance maintenant un nombre d'initiatives multiculturelles et antiracistes pour parvenir à une société encore plus équitable et inclusive, soit des projets de loi comme le C-38.

Dans notre dernier budget, nous avons affecté cinq millions de dollars par année au programme du multiculturalisme pour accroître ses contributions à l'égalité pour tous.

Un programme complet et efficace de multiculturalisme est important dans un pays de plus en plus diversifié comme le nôtre où, en l'an 2016, la proportion des minorités visibles devrait atteindre 20 p. 100.

Dans le discours du Trône d'octobre 2004, le gouvernement a déclaré qu'il allait « renforcer la capacité du Canada à lutter contre le racisme, la propagande haineuse et les crimes motivés par la haine [...] ».

(1705)

Nous allons réaliser ce plan en investissant 56 millions de dollars au cours des cinq prochaines années pour mettre en oeuvre le plan d'action du Canada contre le racisme. Notre plan d'action, que le gouvernement a annoncé le 21 mars, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, une journée que nous avons tous célébrée, va renforcer l'engagement permanent du gouvernement à éliminer les comportements et les attitudes racistes. Il va renforcer les partenariats entre le gouvernement du Canada et les organisations communautaires pour combattre le racisme et va faire progresser nos objectifs internationaux et nationaux.

Une société tournée vers l'avenir ne peut réussir sans reconnaître les événements troublants qu'on retrouve dans le passé du Canada. Le budget 2005 a prévu 25 millions de dollars au cours des trois prochaines années pour des initiatives commémoratives et éducatives tendant à mettre en lumière les contributions que les Ukrainiens et d'autres groupes ethnoculturels ont apportées à notre société et pour aider à parvenir à une meilleure compréhension par tous les Canadiens de la force que nous donne la diversité canadienne.

Avec ce financement, le gouvernement répond aux demandes de la communauté d'une façon qui respecte les préoccupations des collectivités et la politique gouvernementale de 1994 sur cette question.

Le projet de loi C-331 se tourne vers le passé pour une solution. En tant que gouvernement, nous sommes tournés vers l'avenir pour tous les Canadiens.

(1710)

M. James Bezan (Selkirk—Interlake, PCC): Madame la Présidente, je suis heureux de parler du projet de loi C-331. Je veux remercier mon collègue de Dauphin—Swan River pour le travail exceptionnel qu'il a fait en présentant ce projet de loi. Sa circonscription, tout comme la mienne, compte un grand nombre de Canadiens d'origine ukrainienne. Je suis moi-même d'origine ukrainienne et je suis fier de mon héritage.

J'aimerais donner aux députés un bref aperçu historique. Durant la Seconde Guerre mondiale, la Loi sur les mesures de guerre de 1914 a été mise en oeuvre; en vertu de celle-ci, 8 500 sujets d'un pays ennemi, dont 5 000 Canadiens, ont été envoyés dans des camps d'internement. Essentiellement, ces internés ont été mis aux travaux forcés; on s'est servi d'eux dans les chantiers forestiers et pour le développement de notre système national de transport, et ils ont été envoyés dans toutes les régions du pays.

Beaucoup de ces immigrants ukrainiens venaient de la région de Bukovyna, en Ukraine, qui était occupée à ce moment-là par l'Empire austro-hongrois. C'est un événement très malheureux parce que ces gens, ainsi que certains autres Européens, se sont vu confisquer tous leurs biens et leurs avoirs en espèces par le gouvernement du Canada, et rien ne leur a jamais été rendu. C'est une grave injustice que nous avons maintenant l'occasion de réparer grâce à ce projet de loi.

En 1993, l'ancien premier ministre, Jean Chrétien, lorsqu'il était chef de l'opposition officielle, a promis de corriger la situation. Cette promesse a été faite il y a plus de 12 ans. Voilà encore un autre exemple d'une promesse que les libéraux n'ont pas tenue. Nous avons ici une excellente occasion de changer cela.

Je dois dire que notre famille a eu beaucoup de chance. Mes grands-parents ont émigré de Bukovyna séparément. Ma grand-mère n'avait que neuf ans lorsqu'elle a quitté l'Ukraine pour immigrer au Canada, et mon grand-père est venu quelques années plus tard lorsqu'il était un jeune homme. Ils sont arrivés au début du siècle dernier. Heureusement, pour une raison ou une autre, mon grand-père a immigré en 1907 et n'a pas été mis dans un de ces camps de travaux forcés. Il n'a pas été envoyé dans un camp de concentration et ne s'est pas fait confisquer ses biens. La communauté ukrainienne où j'ai grandi n'a heureusement pas été touchée.

Mon père m'a dit que ce n'est que plus tard qu'il s'est rendu compte de ce qui s'était passé parce que notre communauté, pour une raison ou une autre, n'avait pas été touchée même si les immigrants venaient de Bukovyna, qui était sous le règne de l'Empire austro-hongrois. Cependant, certains Canadiens d'origine ukrainienne ont été envoyés de force dans ces camps, ce qui est très malheureux.

J'aime l'approche de mon collègue, le proposeur du projet de loi. Essentiellement, il ne s'agit pas d'indemniser des familles mais d'envisager sérieusement l'installation de plaques commémoratives et la reconnaissance des souffrances infligées injustement par le gouvernement du Canada.

Il y a eu 24 camps de concentration dans les diverses régions du pays. Nous voulons veiller à ce que ces emplacements soient dotés de plaques, de monuments et de cairns, surtout dans le cas d'emplacements qui n'ont pas encore été reconnus. Mais nous souhaitons également assurer l'entretien de ces plaques, monuments et cairns. Il arrive trop souvent, dans les régions rurales du Canada, que personne ne s'occupe des cairns une fois qu'ils ont été érigés. Les drapeaux s'abîment et personne n'assure l'entretien. Ici, on propose de reconnaître l'injustice et d'assurer l'entretien des sites dans une optique à long terme.

L'autre aspect fort intéressant a trait à la création d'un musée permanent dans le parc national Banff, où était situé l'un des camps de concentration. Banff est fréquenté par un très grand nombre de visiteurs. Nous aurons l'occasion d'y montrer que les Canadiens ont fait des erreurs par le passé, de parler de l'injustice commise, d'expliquer aux gens comment fonctionnaient les camps de concentration et de mettre en valeur l'apport considérable fourni au Canada par les gens qui y ont été internés.

(1715)

Par leur travail forcé, ils ont aidé à développer notre industrie forestière. Ils ont aidé à construire notre système de transport. Ils ont travaillé fort pour le Canada. Aussi incroyable que cela puisse paraître, une fois sortis des camps de concentration ils sont devenus des gens très fonctionnels au sein de la société et ils ont apporté une contribution énorme.

Il est généralement admis au Canada que les Ukrainiens ont aidé au développement agricole de l'Ouest, particulièrement suite à l'immigration massive que l'on a connu au tout début du siècle. Ce mouvement incluait évidemment mes ancêtres. Mon arrière-grand-père et mon grand-père, avec leurs familles, se sont lancés dans l'agriculture et ont ainsi aidé les Prairies à devenir productives.

L'autre partie du projet de loi vise à s'assurer que des cérémonies appropriées se déroulent pour marquer l'ouverture du musée et l'installation des cairns et des plaques, et pour faire en sorte que ces cérémonies aient un caractère officiel. Nous voulons aussi nous assurer que du matériel didactique sera produit. Ainsi, lorsque des cérémonies auront lieu dans les écoles, aux endroits où les cairns sont installés et, évidemment, dans le musée principal qui sera construit dans le parc national Banff, les gens sauront ce qui s'est passé.

L'une des initiatives proposées par le député dans le projet de loi que je trouve particulièrement intéressante est l'émission d'un timbre-poste ou d'un jeu de timbres-poste pour souligner cet événement regrettable de notre histoire.

Finalement, une partie très importante du projet de loi est celle qui propose un examen de la Loi sur les mesures d'urgence par le ministère responsable. Nous devons aussi voir comment ce rapport est présenté au Parlement et comment nous assurer qu'une telle injustice ne se reproduise plus jamais.

Ce qui est bien avec l'histoire c'est qu'on peut toujours en tirer des enseignements. Nous pouvons regarder le passé et apprendre de nos manquements et de nos erreurs, de façon à mettre en place les mesures correctives nécessaires pour éviter de répéter ces erreurs. Nous avons ici une très belle occasion d'agir dans ce sens. Le projet de loi met propose les initiatives qui nous permettront de le faire.

En terminant, cette mesure est tout à fait conforme aux politiques du Parti conservateur du Canada. La politique de notre parti porte que nous allons reconnaître et régler les questions non réglées qui touchent les Canadiens d'origine ukrainienne et chinoise, et que nous allons prendre les mesures correctives nécessaires. Le crédit de cette politique revient au député de Dauphin—Swan River—Marquette, qui a travaillé très fort.

Nous avons là une très belle occasion de corriger une injustice. Le député a fait du bon travail. Duzhe dobre.

M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.): Madame la Présidente, l'expérience qu'a le Canada de la diversité le distingue de la plupart des autres pays. Nos 30 millions d'habitants donnent à notre pays une identité culturelle, ethnique et linguistique que l'on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde. Tous les ans, plus de 200 000 immigrants de toutes les régions du monde continuent de choisir le Canada, attirés par sa qualité de vie et sa réputation de société ouverte, pacifique et empreinte de compassion, qui est accueillante pour les nouveaux arrivants et est attachée à la diversité.

Avec le temps, les gouvernements canadiens se sont faits l'écho du consentement croissant de la société à accepter des différences en son sein, plus précisément la légitimité des droits de toutes les minorités de conserver leur culture et leurs traditions. Tout au long de notre histoire, en revanche, nous avons vu des exemples de lois qui seraient considérées rétrogrades aujourd'hui.

Au cours des années qui ont précédé la Première Guerre mondiale, le Canada a connu une forte immigration en provenance d'Europe de l'Est. Lorsque la guerre a éclaté, notre pays s'est vu confronté à un grave problème: que faire des immigrants de souche récente qui étaient des citoyens des pays avec lesquels le Canada était en guerre? Ce problème a atteint son paroxysme en 1914, lorsque des ressortissants allemands et austro-hongrois établis au Canada ont été appelés par leur gouvernement respectif à rentrer dans leur pays d'origine pour s'acquitter de leur obligation de faire leur service militaire.

Selon certains historiens, plus de 8 000 personnes ont été internées dans environ deux douzaines de camps en application de la Loi sur les mesures de guerre. Les internés appartenaient à toute une palette de nationalités, dont des Turcs, des Bulgares, des Allemands et des Austro-hongrois. Le plus important contingent venait d'Allemagne et de l'Empire austro-hongrois, qui comprenait les Croates, les Tchèques, les Polonais, les Serbes et d'autres Européens. Les chiffres englobent aussi quelque 5 000 Ukrainiens sur une population comptant environ 171 000 personnes d'origine ukrainienne vivant au Canada à cette époque.

D'emblée, les internés ont été traités comme des prisonniers de guerre et, conformément aux dispositions de la Convention de La Haye de 1907, ils ont été nourris, vêtus et logés selon les mêmes normes que celles applicables aux soldats canadiens. Selon les estimations, à la fin de la guerre, en 1918, il n'y avait plus que trois camps d'internement qui fonctionnaient encore et le dernier d'entre eux a officiellement fermé ses portes en février 1920.

En 1994, l'honorable Sheila Finestone, qui était alors ministre d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme, a déclaré ce qui suit en cette même Chambre:

En 2005, le Canada est un pays bien différent. Des mesures considérables ont été prises pour faire du Canada un pays meilleur. Nous collaborons et continuerons de collaborer avec les Canadiens d'origine ukrainienne et avec d'autres communautés culturelles pour documenter l'histoire et les expériences qu'elles ont vécues. Ce travail se fait dans le cadre de divers projets commémoratifs, notamment des films, des livres et des expositions qui permettent à ces communautés de faire connaître leur histoire et leur réalité aux Canadiens.

(1720)

Enfin, la communauté ukrainienne a contribué à forger la société multiculturelle et vigoureuse dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Je me joins à l'ensemble des députés pour saluer la contribution des Canadiens d'origine ukrainienne à l'édification du Canada. Je reconnais que cette contribution s'est faite en dépit de moments sombres et de grandes difficultés. Il faut trouver une façon acceptable de souligner cette précieuse contribution et d'y sensibiliser les Canadiens.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC): Madame la Présidente, c'est un grand honneur d'intervenir pour remercier tous les députés qui ont parlé du projet de loi C-331, tant durant la première heure que ce soir, durant la deuxième heure de lecture.

Je remercie les députés du Bloc de même que ceux du Nouveau Parti démocratique de leur appui indéfectible, tout comme le chef de l'opposition officielle de son intervention d'aujourd'hui. Je remercie également la communauté ukrainienne, qui pendant 20 ans a réclamé des mesures de redressement. Pour l'essentiel, ce projet de loi est le sien.

Ce projet de loi a été rédigé après consultation du Congrès des Ukrainiens-Canadiens et de l’Association ukrainienne-canadienne des droits civils. Je suis intervenu très brièvement, au cours d'environ sept années seulement, tandis que leur action s'étend sur deux décennies. Espérons que tous ces efforts porteront fruit cette année.

Avant tout, je dirai brièvement que ce projet de loi vise deux objectifs. Premièrement, obtenir la reconnaissance de l'internement d'Ukrainiens, totalement passé sous silence dans l'histoire du Canada et durant toutes ces années. Il est grand temps de combler cette lacune. Le but n'est pas que le Canada rougisse de son passé. Il doit tirer les leçons qui s'imposent et, pour cela, il doit avant tout reconnaître son passé. Il doit reconnaître le tort qu'il a causé à ceux qui ont souffert.

Comme on l'a mentionné à quelques reprises ce soir, les événements en question sont survenus au cours de la Première Guerre mondiale; entre 1914 et 1920, plus de 5 000 Canadiens d'origine ukrainienne ont été internés. L'internement est un euphémisme pour décrire un camp de prisonniers. Plus de 80 000 Canadiens d'origine ukrainienne ont dû s'enregistrer comme des criminels de droit commun et se présenter à la police tous les mois. Il est presque impensable qu'un événement comme celui-là ait pu survenir dans ce pays, qui fait la promotion de la liberté de parole et de la démocratie, et c'est pourtant le sort qu'ont connu les pionniers d'origine ukrainienne. C'est une honte. Voilà pourquoi leur histoire doit être racontée.

Voilà la principale raison d'être du projet de loi C-331, qui vise deux objectifs. Il s'agit donc premièrement de reconnaître les événements. Deuxièmement, il s'agit de demander au gouvernement libéral de négocier des mesures de redressement avec la communauté ukrainienne. Comme je l'ai dit, cela dure depuis 20 ans et ceux qui cherchent à corriger cette injustice ne ménagent pas leurs efforts.

L'ancien premier ministre Jean Chrétien a fait une promesse à cet égard avant même de devenir premier ministre. Il avait dit qu'il s'occuperait de ce dossier. Il a maintenant quitté la politique et rien n'a été réglé. Je suis convaincu que bien des démarches ont été faites auprès du présent gouvernement libéral au cours des dix dernières années, mais toujours en vain. Je sais, madame la Présidente, que vous êtes intervenue dans le dossier et avez tenté de trouver une solution, mais sans plus de succès. Nous avons fait quelques progrès, mais nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir.

Permettez-moi de faire quelques observations sur la décision de la présidence au sujet du projet de loi. Le Président a déclaré que l'article 3 devrait être accompagné d'une recommandation royale. Ce n'est pas un problème. Permettez-moi également de signaler que j'ai rencontré le secrétaire d'État responsable du multiculturalisme et ses collaborateurs. J'ai aussi rencontré l'adjoint législatif du ministre du Patrimoine pour voir comment nous pourrions tous contribuer à faire adopter le projet de loi à la Chambre. Je sais bien que nos amis libéraux d'en face sont tout aussi soucieux que nous d'aider plutôt que de nuire, et je suis d'accord.

(1725)

Je soutiens que nous sommes trop nombreux à attendre depuis trop longtemps. Il faut que nous unissions nos efforts afin de faire adopter le projet de loi à la Chambre. Voilà pourquoi j'invite les députés libéraux à voter en faveur du projet de loi au retour du congé, durant la première semaine d'avril.

Ce que je veux faire, c'est simplifier le projet de loi pour que tous les députés le jugent acceptable. Nous avons tous de grands coeurs, et c'est maintenant qu'il faut régler cette question.

La présidente suppléante (L'hon. Jean Augustine): Comme il est 17 h 30, le temps prévu pour le débat est écoulé. Par conséquent, le vote porte sur la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

La présidente suppléante (L'hon. Jean Augustine): Le projet de loi est donc renvoyé au Comité permanent du patrimoine canadien.

(La motion est adoptée, le projet de loi, lu pour la deuxième fois, est renvoyé à un comité.)

Barbed Wire


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